L’initiative Royale de créer la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains
Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Amir Al Mouminine, a décidé la création de la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains. Le dahir portant création de cette Fondation a été publié au Bulletin Officiel n° 6372 en date du 25 juin 2015. Dans son préambule, sont explicités les motifs de cette création, en considération des liens religieux et culturels qui unissent le Royaume du Maroc à de nombreux pays d’Afrique et eu égard aux impératifs liés à la situation actuelle qui la mise en place d’un cadre de coopération entre les Ouléma du Maroc et ceux des pays africains, d’une part, et entre ces Ouléma africains, d’autre part, aux fins de préserver la religion contre les déviations et l’extrémisme, de sorte que ses valeurs magnanimes soient au service de la stabilité et du développement dans ces pays.
Afin d’éclairer l’opinion publique au sujet de cet événement historique de portée scientifique et religieuse, il convient d’expliciter ce qui suit :
Les fondements historiques de cette coopération
En raison des données géographiques et des réalités de l’histoire, se sont tissés des rapports et des échanges diversifiés entre le Royaume du Maroc et nombre de pays africains, rapports que le Maroc cherche à pérenniser à travers des liens privilégiés avec ces pays sur la base de valeurs communes, restées intactes malgré les contraintes et les aléas du passé lointain et récent, qu’il s’agisse de l’invasion étrangère depuis le début de l’ère moderne jusqu’à la moitié du XXè siècle, ou de ce qui s’en est suivi comme recours à des repères idéologiques étrangers au continent.
Bien plus, ces constantes sont, aujourd’hui, un stimulant des volontés des uns et des autres afin de dynamiser cette coopération, particulièrement dans les domaines religieux et spirituel. Ainsi, outre la continuité des rapports humains et les brassages ethniques à travers le grand Sahara, l’interaction entre le Maroc et les autres pays africains s’est effectuée à travers de multiples activités dont les plus importantes sont:
-Le commerce
Depuis l’avènement de l’islam, la région a connu un mouvement d’échanges commerciaux entre le Maroc et nombre de régions africaines, partant de la région de Tafilalet en particulier.
-La diplomatie
Les traités d’histoire relatent nombre d’aspects des relations et des contacts à caractère diplomatique entre le Maroc et les Royaumes qui se sont constitués dans la région du sud du Sahara, du Ghana jusqu’au Tchad, en passant par le Nigéria, et ce depuis la dynastie des Idrissides jusqu’à celle des Chorfas Alaouites.
– Les confréries soufies
Un certain nombre de confréries soufie sont connu une large propagation en Afrique à partir du Maroc. Les plus célèbres et les plus répandues parmi elles sont les confréries Qadiriya et Tijaniya. Bien que la confrérie Qadiriya soit née en Orient, elle n’a connu sa diffusion en Afrique que via le Maroc.
Quant à la Tariqa Tijaniya, elle a été fondée à Fès, ville à partir de laquelle, elle a connu une large diffusion dans de nombreuses régions du continent africain, de telle sorte que ses adeptes qui se comptent par dizaines de millions, vouent un attachement sans bornes à Fès et considèrent l’allégeance de leur cheikh Sidi Ahmed Tijani au Sultan Moulay Slimane comme engageant ses disciples envers la dynastie alaouite chérifienne. De plus, ils ne s’adressent aux Souverains qui se sont succédés au Maroc qu’en leur qualité d’«Amir Al Mouminine».
– Les sources du savoir religieux
Ces liens ont généré un essor remarquable des sciences religieuses, car les Ouléma et Cheikhs qui ont propagé l’islam dans les différentes contrées africaines, ont véhiculé également un savoir lié aux enseignements de la charia. Cette science était marquée des constantes que les Marocains ont toujours fait leurs et dont la Mosquée de la Quaraouiyine était le berceau et le foyer. La pratique de la religion dans de larges espaces africains a ainsi porté les marques de ce référent commun entre les Marocains et leurs frères de différentes contrées d’Afrique et qui consiste en les trois constantes : la doctrine achaârite, le rite malékite et le soufisme et auxquelles s’ajoute la récitation du Coran selon la lecture de Ouarch, d’après Nafi’e, en particulier, entres autres éléments se rapportant à la culture religieuse.
Le rôle du patrimoine doctrinal, rituel et spirituel commun à surmonter la menace de la stabilité doctrinale, cultuelle et spirituelle
Ce patrimoine commun, à la fois doctrinal, rituel et spirituel, s’est caractérisé durant sa longue histoire par la tolérance et la modération, de sorte que les cœurs et les esprits y ont été aisément réceptifs, le léguant comme héritage de génération en génération.
Ce capital scientifique et religieux, empreint de modération et de sérénité commence aujourd’hui à faire face à des défis multiples qui constituent une menace pour la stabilité doctrinale, cultuelle et spirituelle. Il s’agit d’une menace procédant de visées expansionnistes, de nature idéologique ou bassement matérialiste, qui cherchent à imposer une pensée étrangère à ces régions comme s’il s’agissait de territoires à l’abandon, ce qui dénote une ignorance totale de la riche accumulation que ces pays ont connue dans les domaines religieux et spirituel, fruit de la pensée de prédécesseurs éclairés qui en ont légué l’héritage à de dignes successeurs.
Ce capital s’est inscrit comme l’une des composantes de la conscience de ces nations et une source d’inspiration pour la consécration des valeurs de paix et de coexistence.
Les ouléma doivent accélérer leur mobilisation religieuse, intellectuelle et pédagogique
Face à ces défis, il s’est avéré que personne d’autre que les Ouléma n’est plus à même d’œuvrer à la protection de cette doctrine et de cette pensée modérée et magnanime. Eu égard à la responsabilité qui incombe aux Ouléma pour prodiguer conseil à la Oumma, ils sont – du fait même qu’ils en sont le bouclier protecteur -la cible privilégiée des attaques idéologiques et de l’extrémisme. C’est pourquoi, la mission qui leur est dévolue, au regard des constantes de la Oumma, leur assigne de faire preuve d’une extrême vigilance et d’esprit d’initiative.
En Effet, ce sont eux qui ont défini, propagé et consacré ces constantes, dont la remise en cause, même partielle, ne pourrait que générer peur, violence et extrémisme. C’est pourquoi, il devient impérieux pour les Ouléma de renouveler leur engagement et de s’investir avec promptitude pour accomplir leur devoir et le rôle qui leur est reconnu dans la mobilisation ressourcée dans la foi, l’éducation et la pensée pertinente, de sorte à en faire un levier fort au service de deux impératifs, ressentis, aujourd’hui, comme besoin pressant: la sécurité et le développement. Or il n’y a pas de développement plus impératif et plus porteur que le développement humain.
Création de la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains sous la direction d’Imarat al-Mouminine
C’est dans ce sillage que se place l’initiative de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Amir Al Mouminine, que Dieu L’assiste, de créer « la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains », qui a pour vocation de constituer le cadre institutionnel au sein duquel les Ouléma assument leur responsabilité et accomplissent leur devoir, d’autant plus que les préoccupations d’un quelconque pays africain dans le domaine de la promotion de la paix et de l’édification ne peuvent qu’intéresser l’ensemble des pays de l’Afrique.
En plus des facteurs qui relèvent de ce contexte exceptionnel aux plans historique, religieux et civilisationnel, il y a un autre élément qui met en évidence l’importance de cette noble initiative royale, c’est la pratique marocaine sous la direction de Imarat al-Mouminine en matière de gestion du champ religieux et ce, en parfaite harmonie entre les constantes religieuses, culturelles authentiques du Royaume et les choix modernes qu’il a opérés dans les domaines du développement, de l’exercice des libertés et des droits et de consécration des valeurs de citoyenneté.
Cette réalité est d’une évidente clarté. Les faits et gestes émanant des sphères africaines scientifiques et politiques dénotent leur appréciation à sa juste valeur du modèle marocain et leur aspiration à s’y ressourcer, au regard justement du patrimoine religieux, spirituel et civilisationnel commun. Il s’agit en l’occurrence du partage de la sagesse en matière de gestion religieuse, qui est infiniment plus précieux que toute autre expérience de partage. Il ne s’agit pas d’exporter une marchandise ou d’importer des idées, car ce partage, pour autant qu’on l’évalue à l’aune de la terminologie coranique, correspond parfaitement aux notions de bonnes œuvres et de piété. Dieu, le Très-Haut nous a justement ordonné dans le Saint Coran : «Soyez plutôt solidaires dans les bonnes œuvres et la piété et non dans le péché et l’agression ».
La gestion marocaine du champ religieux et la création de l’institution des Ouléma
Parmi les marques importantes de la gestion marocaine du champ religieux, s’illustre évidemment la place de l’institution des Ouléma, représentée dans le Conseil Supérieur des Ouléma qui est le prolongement de ce qui était connu dans l’histoire de chaque pays musulman, sous la dénomination de «Machiakha des Ouléma ». En effet, les Ouléma désireux d’accomplir leur devoir religieux, il leur est plus opportun de le faire collectivement qu’individuellement si le cadre institutionnel est adéquat, tant dans sa forme que dans ses normes régulées par la loi de chaque pays, avec une latitude méthodologique octroyée aux Ouléma, pour accomplir un service fondamental à la Oumma.
La proactivité du Maroc d’inclure les érudits musulmans africains dans la gestion des affaires religieuses
La Ligue des Ouléma du Maroc et du Sénégal
Ainsi, apparaît toute l’importance des avantages de la mise en place d’une passerelle de communication entre les Ouléma des pays africains. Le Maroc n’est, à cet égard, que l’initiateur et le soutien, à la mesure de ce qui est demandé et attendu de lui, selon ses capacités nul ne peut ou ne saurait se substituer aux Ouléma d’un pays donné pour l’accomplissement de leurs devoirs envers leur pays.
Le projet de cette initiative est dicté par des considérations objectives qui, au demeurant, ont toujours été de mise. Il suffit de rappeler, à cet égard, comme manifestation de cette présence et de ce fort sentiment, les acquis réalisés depuis la création de la Ligue des Ouléma du Maroc et du Sénégal depuis trente ans. Ceci étant, les Ouléma africains n’ont jamais été à l’écart du champ religieux au Maroc, et ce à travers leur présence forte et constante aux Causeries Hassaniennes du mois de Ramadan durant toute la moitié du siècle dernier. Des Ouléma de différents pays africains subsahariens ont également participé à plusieurs rencontres scientifiques et soufies.
Le processus de la formation des prédicateurs et prédicatrices (Morchidines and Morchidates)
Aujourd’hui, alors que s’est mise en place une expérience nouvelle et inédite de coopération, sur la base du même substrat et des mêmes considérations, à savoir l’opération de formation au Maroc des imams prédicateurs et des prédicatrices (Morchidate) de différents pays africains, et du fait que la demande africaine a été pionnière dans cette expérience ambitieuse et avancée. Au regard du rôle des Ouléma comme encadrants naturels des imams, l’organisation et la coordination entre les Ouléma sont devenues primordiales, le but commun recherché étant de protéger la pratique cultuelle des fidèles des déviations, de l’ignorance et des agissements désinvoltes et la mise en œuvre des valeurs religieuses pertinentes pour répandre la sécurité et la paix, et la réalisation du développement.
Les consultations avant la création de la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains
C’est dans cette optique, vouée à la réalisation des objectifs ainsi définis, qu’intervient l’ordre, de créer cette Fondation scientifique qui devra permettre aux Ouléma Africains de conjuguer leurs efforts, de définir les programmes et de dynamiser la concertation et l’échange d’avis et d’expériences.
Cette opération a été précédée par des concertations avec un groupe qualifié d’Ouléma concernés. Une réunion préliminaire s’est tenue, dans ce cadre, à Rabat le 1er juin 2015, en présence d’Ouléma venus de 20 pays d’Afrique. La partie marocaine a exposé aux participants l’idée de créer une telle Fondation, en précisant ses objectifs et les contours de sa structure organisationnelle. L’assistance a exprimé son appréciation de l’idée et formulé un certain nombre de propositions. C’est sur cette base qu’a été approuvée la mouture définitive du Dahir portant création de la Fondation tel que publié.
Les présents à la réunion préliminaire et à l’acte constitutif
Les Ouléma ayant pris part à la réunion préliminaire et ceux, hommes et femmes, présents à l’acte de constitution, sont parmi les meilleurs Ouléma musulmans dans les pays africains, sauf qu’ils ne constituent pas la totalité des ouléma concernés et ils n’ont pas nécessairement plus de mérite à être présents, qu’un nombre important d’Ouléma absents lors des deux occasions, et dont on escompte qu’ils rejoignent la Fondation et travaillent dans son cadre.
Participation des femmes Alimate
La participation des femmes Alimate à la cérémonie marquant l’acte constitutif, est tout à fait naturelle, bien qu’il soit assez inhabituel dans nombre de pays africains que les femmes s’occupent de l’encadrement religieux, sachant que la femme dans les pays africains est connue par sa forte religiosité, son imprégnation spirituelle, et la grande responsabilité qu’elle assume dans l’éducation des générations aux hautes valeurs, avec dévouement et abnégation. Pour cela, son action mérite d’être reconnue et valorisée. La présence des Alimate aux côtés des Ouléma revêt, ainsi, une double signification: d’abord, la nécessité de conférer une grande solennité à cette participation féminine dans l’encadrement religieux, avec tout ce que cela exige en termes de qualification et de mise en valeur de la place de la femme dans cet encadrement et, deuxièmement, la volonté de partager l’expérience marocaine dans ce domaine, du fait de la forte participation de la femme marocaine dans l’encadrement religieux.
Les objectifs de la Fondation selon le Dahir portant création
- Unifier et coordonner les efforts des Ouléma au Maroc et dans les autres pays africains, pour faire connaître, diffuser et consacrer les valeurs de paix et de tolérance.
- Entreprendre des initiatives s’inscrivant dans le cadre de tout ce qui est de nature à valoriser les idéaux magnanimes de l’islam dans toute réforme participant de l’œuvre de développement en Afrique, tant au niveau du continent qu’à l’échelle de chaque pays, pris à part.
- Dynamiser le mouvement de la production intellectuelle, scientifique et culturelle dans le champ religieux islamique.
- Renforcer et développer les relations historiques qui unissent le Maroc aux autres pays africains.
- Encourager la création de centres et d’institutions religieux, scientifiques et culturels.
- Assurer le renouveau du patrimoine culturel africain islamique commun à travers sa vulgarisation, sa diffusion et sa préservation.
- Nouer des contacts et des relations de coopération entre les associations et les institutions ayant des centres d’intérêt commun.
Les sections de la Fondation en dehors du Maroc
Le dahir portant création de la Fondation mentionne la possibilité de créer des sections de l’Institution dans les différents pays et stipule que la création de telles structures doit se faire conformément à la législation et au contexte du pays concerné. L’on comprend aisément à travers cette affirmation que la section de la Fondation ne saurait être le substitut à toute autre instance nationale ou locale officielle. Si la section est amenée à coopérer avec les institutions ayant des objectifs similaires, elle est tenue de le faire de manière bienveillante en faisant montre de bonne intelligence, d’esprit de responsabilité et de vigilance.
Les étapes prochaines d’organisation
- Une réunion au mois de septembre 2015 pour le choix des responsables en charge des différentes missions au sein de la Fondation, la mise en place des modalités de travail stipulées dans le Dahir portant création, et l’élaboration d’un document de stratégie à court et à moyen terme.
- Une réunion, en novembre prochain, des bureaux locaux qui auront régularisé leur situation juridique en vue de mettre en place un programme préliminaire de travail, au titre de l’année suivante.