Allocution du Secrétaire Général de la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains lors du colloque sur « Le Message Éternel des Religions » à Abidjan
Cette allocution a été prononcée lors de l’ouverture du Colloque International sur le Dialogue Inter-religieux organisé par le Conseil Supérieur des Imams, des Mosquées et des Affaires Islamiques de Côte d’Ivoire (COSIM) et la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains sous le thème » Le Message Éternel des Religions », les 23, 24 et 25 février 2022 à Abidjan.
Monsieur VAGONDO DIOMANDE, Ministre de l’Intérieur et de Sécurité de la République de Côte d’Ivoire ;
Éminence CHEIKH OUSMANE DIAKITE, Président du Conseil Supérieur Islamique des Mosquées et des Affaires Islamiques (COSIM) ;
Mgr IGNACE DOGBO BESSI Président de La Conférence des Évêques Catholiques de COTE D’IVOIRE
Éminence CHEIKH MOSTAFA SONTA, Président de la section ivoirienne de la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains;
Éminence SAID CHABBAR, Représentant le Conseil Supérieur des Ouléma du Royaume du Maroc ;
Son Excellence l’Ambassadeur de Sa Majesté Le Roi à Abidjan ;
Éminences Ouléma, Présidents des sections de la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains ;
Éminences, guides et chefs religieux ;
Mesdames et Messieurs,
C’est une immense joie pour moi d’être aujourd’hui parmi vous, en tant que Secrétaire Général de la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains.
Permettez-moi, tout d’abord, de remercier, agréablement, les autorités ivoiriennes officielles et locales, pour leur accueil très chaleureux, leur générosité fraternelle et dont nous avions tous bénéficiés en tant qu’invités.
Ce geste fraternel, qui restera gravé à jamais dans nos cœurs, ne me surprend guère, car l’hospitalité ivoirienne, à l’image de son Grand Peuple, est réputée légendaire ; elle est même considérée comme étant un art de vivre, subtil et raffiné.
Mesdames et Messieurs,
La Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains voit se rassembler dans ce colloque international, Ouléma Africains, en réponse à l’impératif de porter la parole de Dieu et traduire, ainsi, les hautes vertus miséricordieuses destinées à assurer le bonheur de l’Afrique toute entière.
Mesdames et Messieurs,
Nous vivons tous, certes, dans une Afrique jeune, pleine d’espérance, de richesses et d’espoirs, mais nous vivons aussi dans une Afrique qui souffre de traumatismes, de douleurs et de conflits.
Les souffrances sociales de nos sociétés africaines, qui prennent chaque jour davantage d’ampleur, sont à penser, d’abord, en lien avec la vulnérabilité de l’Homme Africain.
Tenter d’en comprendre les ressorts, impose alors de centrer, plutôt, la réflexion, sur les fragilités humaines africaines qui prennent racine, de jour en jour, dans des sociétés caractérisées par l’absence du Divin dans la vie sociale.
Si sophistiquées que soient les différentes approches d’analyse de nos sociétés africaines, -forcément différentes les unes des autres-, il n’en est pas moins vrai que nous ne saurions les comprendre, sans présupposer la culture du dialogue et la solidarité fraternelle comme façon d’exister.
Le dialogue et la solidarité fraternelle entre tous les Africains, c’est d’abord un état d’esprit.
C’est en fait vivre en se parlant, vivre en inventant une manière de s’entendre et de s’entraider les uns les autres.
De ce fait, c’est à la fois un langage fraternel à inventer et à réinventer sans fin.
Mesdames et Messieurs,
Vivre en fraternité avec celui qui croit autrement est une démarche qui consiste à le connaître et à le reconnaître comme il entend l’être, à l’accueillir alors comme un achèvement de soi-même.
L’essentiel, c’est que nous devons toujours apprendre à nous parler et à nous solidariser.
N’oublions pas que nous vivons au sein d’une communauté d’histoire africaine, qui a témoigné, depuis toujours, d’un enrichissement civilisationnel sans fin.
Il suffit de citer l’exemple de la Commanderie des Croyants « imârat al-mu’minîn », que symbolise « Amir Al Mouminine » Mohammed VI, que Dieu Le Protège, et qui résume cette symphonie majestueuse musulmane, qui, au demeurant, reste toujours ouverte sur les autres croyances et religions.
Douze siècles d’un « Islam de Paix Africain » qui ont imprimé de leur marque toute l’Humanité Africaine et Mondiale.
Dans l’enceinte de la « Commanderie des Croyants », le Royaume du Maroc et ses frères pays africains, y compris, naturellement, le pays frère de la Côte d’Ivoire, ont su créer la paix spirituelle, la tolérance, le dialogue et la solidarité.
La « Commanderie des croyants » constitue, donc, l’une des caractéristiques les plus marquantes de notre identité musulmane africaine, qui associe le Droit Divin aux Droits Humains Tangibles.
Elle garantit, ainsi, à tout un chacun, l’offre d’exercer ses droits religieux, l’élan de sa foi, dans une société africaine caractérisée par la Paix Spirituelle, la Quiétude et la Sérénité (al-sakîna) qui habitent les cœurs.
Mesdames et Messieurs,
S’il est primordial, pour les Ouléma Africains, d’identifier clairement les priorités concernant les objectifs à atteindre et les défis à surmonter, il y a lieu d’insister prioritairement sur un fait, celui de propager la Paix Sociale au sein des sociétés africaines.
Rappelons, au passage, l’état détérioré de beaucoup de régions africaines, en raison du recours, par des groupuscules aveugles, à la violence et aux armes, pour régler les différends et, imposer, par la force, des opinions et des choix donnés, souvent dogmatiques et idéologiques.
Ce genre de situation a conduit, en général, à :
- D’une part, à l’affaiblissement ou à la dislocation des pouvoirs centraux dans certaines régions africaines ;
- D’autre part, à favoriser la montée en puissance de groupements criminels, dénués de toute légitimité religieuse ou politique, qui se sont arrogés le droit d’édicter des règles, en les imputant à l’Islam, d’appliquer des concepts qu’ils ont sortis de leur contexte et dissociés de leurs desseins initiaux, et de s’en prévaloir, pour se livrer, ainsi, à des agissements néfastes pour toutes les couches de la société africaine.
Les sociétés africaines, se trouvent, de ce fait, prises au piège, par des groupuscules qui essayent de perpétuer leurs forfaits au nom de l’Islam, en invoquant perfidement Dieu le Très-Haut et le Prophète de la Miséricorde, Paix et Salut sur Lui.
Une situation intolérable, qui stigmatise et pervertie la réputation d’une religion.
Mesdames et Messieurs,
Devant de telles graves situations, les Ouléma Africains ne peuvent pas rester immobiles, figés, inertes sans rien faire.
En vertu des devoirs religieux qui leurs incombent, de la responsabilité d’exégèse dont ils ont la charge, les Ouléma Africains doivent coordonner leurs efforts afin de :
- Premièrement : Rétablir en Afrique l’image authentique d’un Islam Tolérant et de Paix;
- Deuxièmement : Préserver toujours la Paix entre les Africains eux-mêmes, au sein de leurs sociétés ;
- Troisièmement : Protéger les sociétés africaines, en les mettant en garde contre les menaces que ces crimes, drapés de couverture religieuse, font peser sur la stabilité de leurs sociétés.
Mesdames et Messieurs,
Que notre colloque soit considéré aujourd’hui comme étant, symboliquement, une reconnaissance vis-à-vis de nos ancêtres Ouléma Africains, qui, au demeurant, ont su marquer, de par leur génie, l’échiquier de toute une vie pleine de sagesse.
Nous sentons tous vis-à-vis de ces sages beaucoup de respect, de reconnaissance et de gratitude.
Et à ce titre-là, permettez-moi, de rendre un Grand Hommage à la Mémoire de nos deux regrettés, Que la Paix et la Miséricorde de Dieu soient sur eux : CHEICK AIMA BOIKARY FOFANA et CHEICK AIMA MAMADOU TRAORE, qui étaient tous les deux à la fois : Présidents du Conseil Supérieur des Imams, des Mosquées et des Affaires Islamiques (COSIM) et Présidents de la section ivoirienne de la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains.
Ils nous ont quittés, certes, mais, ils nous ont laissés, un Héritage Symbolique qui résume, harmonieusement, les valeurs fondamentales d’une religion, caractérisée par un l’Humanisme d’un Héritage Spirituel Africain.
Un Patrimoine Commun pour tous les Ivoiriens, pour tous les Africains, et quelles que soient, d’ailleurs, leurs confessions.
Un Héritage qui a consacré les vertus du dialogue, la solidarité et surtout le travail dans l’amitié avec les autres confessions : Un travail pour que tous les fléaux de la haine et des souffrances ne viennent pas détruire nos espoirs et notre espérance en l’Avenir ; pour que nos enfants et les nouvelles générations, puissent vivre dans un monde sain, un monde de paix et de fraternité.
Les différents éclairages historiques qu’ils nous ont légués, doivent inciter les Ouléma d’aujourd’hui à incarner un modèle sociétal sans faille, à être d’abord des Hommes de Paix, au service de tous.
Des Ouléma qui connaissent la Lumière de la Religion, et qui prennent soin des obscurités dont souffrent les sociétés africaines.
Des Ouléma qui connaissent la Gloire, mais qui restent Humbles dans leur vie quotidienne, auprès des gens, surtout les plus vulnérables parmi eux.
Des Ouléma qui évitent les extrêmes et qui restent toujours au service des plus faibles.
Des Ouléma qui symbolisent l’expression même d’une Vertu Pacifiste : Plus ils agissent pour la société et pour les autres, et plus ils gagnent en Sagesse ; et plus ils donnent aux autres, et plus ils s’enrichissent en Respect.
Enfin, des Ouléma qui savent écouter les souffrances d’une société et qui lui apportent une Sagesse Eclairée.
N’oublions pas de souligner que le monde qui nous entoure n’est pas peuplé par un ensemble de Figures, mais plutôt par un ensemble de Présences Uniques créées par Dieu.
Chaque Présence dans la société, est une Finitude qui ne cesse de faire circuler le Souffle d’une Plénitude.
Mesdames et messieurs,
Il nous incombe, d’implorer Dieu Tout-Puissant pour accorder plein succès à notre Colloque.
Nous Le prions, également, de récompenser nos Ouléma, Erudits et Sages Africains, de guider leurs pas sur les traces de la tradition vertueuse du Prophète, Paix et Prières sur Lui.
Nous implorons Dieu Tout-Puissant, aussi, pour qu’Il accorde à Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Commandeur des Croyants, que Dieu L’Assiste, et à son frère Son Excellence Monsieur le Président de la République Alassane OUATTARA, pleine santé, bonheur, bien-être et longue vie.
Puisse Dieu protéger les deux Grands Chefs d’Etat, Source de Clémence et d’Attendrissement pour les deux peuples frères ivoirien et marocain.
Mesdames et messieurs,
En conclusion, le Message Eternel des Religions, prôné par la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains, c’est sûrement de faire d’abord de l’Africain un croyant en repos avec lui-même et qui apporte à la société africaine une Sagesse, une Bénédiction, une Solidarité qui harmonise la Splendeur d’une Ame en Paix.
Et comme dirait un célèbre proverbe ivoirien :
[ La Paix, ce n’est pas un vain mot, c’est un comportement ].
Je vous remercie de votre écoute.