La coopération entre le Royaume du Maroc et les pays africains dans le domaine de la protection contre la pensée extrémiste et le terrorisme
La coopération entre le Royaume du Maroc et les pays Africains en matière de protection contre l’extrémisme et le terrorisme .[1]
Grâces soient rendues au Seigneur des Mondes !
Et que la prière d’Allah et Son salut soient appelés sur le Seigneur des Messagers, ainsi que sur les Siens et ses Compagnons les plus nobles.
Mon Seigneur, Commandeur des croyants !
Il est pour moi un insigne honneur de présenter cette causerie ci-devant Votre Présence qui nous couvre de son ombre ; en cette Nuit bénie, et dans le cadre de cette série scientifique sertie d’or ; la série des Causeries hassaniennes qui symbolisent une manifestation raffinée de Votre coutumière tradition de veille à la diffusion du savoir scientifique en général, et de la sensibilisation religieuse en particulier. Et ce, partant de Votre responsabilité de Commandeur des Croyants, issue de la mission de protection de la Religion et de la foi partagée ; et en vertu de l’allégeance prononcée par l’Oumma, sur foi de la protection des finalités ultimes de la Chariâa et qui consistent en la préservation de la religion, de la vie, de l’ordre général, de la justice et de la dignité de l’homme.
Cette causerie a pour sujet une question d’une grande importance en ce temps actuel ; relative aux possibilités de coopération entre Votre Royaume chérifien et les autres pays d’Afrique, dans le domaine de la prévention contre la pensée du terrorisme; cet esprit qui voudrait se construire en fondant sur la falsification des textes religieux.
Pour ainsi faire, nous avons composé la causerie en une présentation, suivie de trois axes. Dans la présentation, nous commencerons par expliquer le verset qui sert d’argument à la causerie, et qui est en l’occurrence: «Soyez plutôt solidaires dans la charité et la piété et non dans le péché et l’agression. Craignez Allah, car Allah est redoutable quand il sévit». [Al-Mâ’ida ‘la Table’ :3]
Dans le texte coranique, al-birr, signifie: la recherche de l’accomplissement des meilleures bonnes œuvres, ainsi que de la satisfaction et du bien achevé et intégral.
At-taqwâ, est le substantif nominal du verbe ittaqâ: il signifie « se méfier de quelque chose, de crainte qu’il ne soit dangereux ». Dans le vocabulaire de la Chariâa, ce mot est mis pour la crainte du châtiment d’Allah, en obéissant à ses ordonnances, et en évitant ses interdits.
L’homme pieux, celui qui craint Allah, est donc celui qui, avisé, cherche à échapper à tout ce qui pourrait être infâme et nuisible.
Le verset signifie donc: votre devoir, ô vous les croyants, de vous entraider pour faire le bien et pour craindre Allah. Le sens de « s’entraider » est de faciliter l’accomplissement des œuvres, de favoriser les bienfaisances et de montrer un esprit d’alliance et de soutien réciproque; afin que tout cela devienne une éthique généralisée à l’ensemble de l’Oumma.
Et que le verset dise: « et ne vous entraidez pas dans le péché et l’agression», corrobore le sens de « entraidez-vous dans la piété la meilleure et dans la crainte d’Allah». Car, ici, il s’agit d’ordonner une chose, même si le verset notifie implicitement l’interdiction de son contraire, puisque quand l’intérêt est porté au contraire, il signifie que l’on vise spécifiquement une interdiction.
L’entraide pour le meilleur des biens obéit à la même règle que tout ce qui pourrait servir la religion. Nous en entendons ici la protection contre la pensée terroriste; en considérant que tout ce qui a été interdit par Allah, le péché et la transgression, ne doit pas faire l’objet d’une entraide, tel que le terrorisme l’illustre par sa brutalité et par ses compromissions.
Et pour accéder au vif du sujet, nous nous interrogeons: quel en est le fond? Il s’agit de l’exigence sociale, qui est la priorité suprême dans la vie des Musulmans, que ces derniers puissent vivre leur vie religieuse. Ils ont besoin, à cet effet, de connaître la science de la religion pour accéder à une compréhension scrupuleuse de son sens. Tout comme ils ont besoin d’apprendre ce que ses piliers et transactions réalisent dans le domaine de l’encadrement et de la préparation intellectuelle et logistique. Il est supposé de quiconque prend en charge les affaires des Musulmans, comme c’est justement le cas de la Commanderie des croyants au Maroc, de répondre à ces besoins. Et, grâces en soient rendues à Allah, c’est elle qui prend en charge cette réponse, la gère, la contrôle et la protège. Et il suffit d’une seule brèche, dans cette réponse ou dans cette prise en charge, pour que la pensée de l’extrémisme et du terrorisme en profite de la pire des façons.
Malgré que certains pays d’Afrique ne remplissent pas cette condition, pour des raisons nombreuses, dont le choix d’une constitution laïque, la coopération du Royaume du Maroc avec eux est une responsabilité et un devoir religieux, faisant partie intégrante des droits de fratrie et des proches parents, prorogeant des liens établis depuis fort longtemps et préservant les leviers d’un destin commun.
Premier axe : les constantes partagées sont une défense contre l’esprit du terrorisme
Les constantes religieuses sont ce que nos aïeux ont choisi relativement au dogme, à la doctrine et au comportement spirituel. S’y attacher se faisait en parfaite harmonie avec la vie des Musulmans en Afrique. Cet attachement constituait, tout au long des siècles, une protection de la Religion contre l’esprit de l’immodération et de l’extrémisme. L’institution de ces constantes, à l’origine, pour un certain nombre de pays, était associée à la relation au Royaume du Maroc. Particulièrement, à travers la relation aux référents des machiakhas scientifiques et soufies. Les relations étaient plénières et interactives, et elles ont concerné l’élément humain autant que l’échange commercial et culturel. Du flanc même de ces relations sont nées les constantes religieuses partagées, qui sont l’achâarisme pour le dogme, le malékisme pour la doctrine et le soufisme en tant que pratique spirituelle. Ceci signifie que l’entraide n’est pas née d’aujourd’hui, bien qu’elle soit confrontée à des nouveaux défis.
Le dogme achâarite
Le dogme achâarite revêt donc une importance particulière du point de vue politique, à notre époque, car il est fondé sur le principe que le Musulman, dès qu’il a attesté verbalement de l’existence unique d’Allah et de la foi en cette unicité, et dès qu’il a confirmé que Mohammad est Son messager, devient un croyant. Et par conséquent, nul n’a le droit de l’excommunier, sous prétexte de pratique insuffisante, ou sous aucun autre prétexte. Car, si ce Musulman devait avoir une pratique discutable envers lui-même, la responsabilité lui en incombe et il n’en est redevable qu’à lui-même. Et s’il devait transgresser les droits d’autrui ou de la communauté, il en est redevable à la justice; et si, enfin, il devait contrevenir à une obligation entre lui et Son Dieu, il revient à Allah seul de le traiter selon Sa justice, s’Il en décide ainsi, ou par Sa faveur, si ainsi Il le décide. La question du dogme, comme on le sait, n’a pas beaucoup attiré l’attention du commun des gens, jusqu’à ce que l’affaire des takfiriyyines (excommunionistes) se soit aggravée à notre époque; pour cela donc, le partage du même dogme et sa défense sont des éléments de l’entraide dans la protection contre la pensée terroriste.
La doctrine malékite
Quant à la doctrine malékite, elle se spécifie par trois points, qui ont aussi leur importance politique, et qui sont :
- La richesse de sa démarche dans la déduction des commandements à partir des textes; et c’est ce qui explique l’importance de l’initiative raisonnée (al-ijtihad) pour cette doctrine;
- L’importance que le malékisme donne à l’intérêt général, et qui un lien direct avec la régularité des lois ;
- La décision de considérer, comme ressources, les pratiques courantes antérieures; et c’est la voie majeure pour lever la prétention de l’hérésie à propos de beaucoup de pratiques culturelles dans les pays Africains.
Les effets constatés de l’ancrage solide de l’unité doctrinaire dans les pays d’Afrique à partir du Maroc ont conduit le chercheur John Hunwick, qu’Allah l’ait en Sa sainte Miséricorde, à dire du malékisme qu’il était le « don du Maroc à l’Afrique ». Ce en quoi il a parfaitement raison, pour les considérations suivantes:
- L’ordre général a besoin d’un paradigme de référence doctrinaire; car les divergences entre doctrines, bien qu’elles soient centrées sur des questions partielles, pourraient être utilisées dans l’embrouillement des esprits ordinaires, qui ont tendance à tant les grossir qu’elles prennent l’allure de vérités par lesquelles on voudrait combattre le non avenu;
- L’unité doctrinaire est une garantie de sérénité, particulièrement dans les mosquées;
- L’adoption par un État d’une doctrine est suivie par l’appui des ouléma, sur cette base convenue que les finalités de la Chariâa s’accomplissent par le perfectionnement continu. Ici nous devons indiquer la relation organique se trouvant entre la réforme politique et la prédication de la religion. Si la politique devait être défaillante en termes de réformes, il serait difficile aux prédicateurs de convaincre les gens et de les faire adhérer à des valeurs qui sont à même de repousser le trouble (fitna); et si, parallèlement, les affaires de la prédication, c’est-à-dire la gestion des affaires religieuses, devaient être mises en panne, elles perturberaient la politique; à cause de la propagation d’interprétations extrémistes, qui assurément mettront à mal tout effort de réforme.
Le soufisme
Quant à la troisième constante religieuse partagée avec les pays Africains, elle consiste en la pratique spirituelle connue sous le terme de soufisme. Faut-il rappeler que la majorité des prédicateurs et des commerçants Marocains en Afrique étaient des chadilites depuis le Septième siècle de l’Hégire? Jusqu’à la rénovation du mouvement soufi par les soins des disciples du Cheikh Ahmad Ibn Idriss et du Cheikh Ahmad Tijani, Ce dernier, dont le quatrième aïeul avait émigré de la tribu Abda près de Safi, vers Aïn Madhi, était retourné, lui, à Fès où il a fondé sa tarîqa, … Nous n’évoquerons pas ici les formes intellectuelles d’opposition aux doctrines du soufisme, particulièrement de la part de certains extrémistes; parce que justement la forme maroco-africaine du soufisme s’est distinguée par ses qualités éthiques pratiques, et par la capacité à la mobilisation populaire.
Et parce que le soufisme fait usage de beaucoup d’empreints métaphoriques et de suggestions, il fait l’objet d’animosités de la part des personnes fidèles à une lecture littérale du texte religieux ; cette lecture étroite est à l’origine de l’esprit d’excommunication de l’interprétation particulière à propos de jihad, qui est décliné en des formes différentes de terrorisme.
Deuxième axe : le contenu du projet du terrorisme
Nous en arrivons, Mon Seigneur, au deuxième axe où nous allons montrer le contenu du projet du terrorisme; cette forme de pensée qui vise à l’effondrement des constantes religieuses citées, partagées entre le Royaume du Maroc et plusieurs pays Africains.
Cette forme de pensée tente de donner une légitimité religieuse à son projet de takfir (excommunication), et ce, partant de trois axiomes:
Il ne suffit pas de prononcer la chahada, attestation verbale, pour que la foi soit valide;
Perpétrer des péchés capitaux est cause suffisante d’excommunication;
Excommunier toute personne qui vivrait dans un pays où la chariâa n’est pas la référence à la loi, selon sa propre compréhension de la religion.
La coopération requise, donc, est une entraide pour protéger les gens de cette forme de pensée et de ses avatars. Parce que cette pensée ne s’arrête pas à la menace de la sécurité et de l’ordre publics, mais elle va jusqu’à pousser à la menace de l’essentiel même de la religion. Car, personne ne peut se consacrer à l’adoration d’Allah en l’absence de la sécurité des individus, en l’absence de la stabilité générale de la communauté et en l’absence d’une acceptation de l’initiative raisonnée (ijtihad) et de la divergence, sur la base de laquelle les doctrines des gens de la Sounna et de la Communauté ont été engendrées. Le terrorisme qui, pour recruter ses partisans et justifier son existence, présente des idées religieuses et des slogans obscurantistes visant à semer le doute et à perturber la quiétude des esprits, afin de préparer à la fitna. Il analyse donc, selon son interprétation personnelle particulière la situation dans le pays où il voit le jour, en prétendant que telle situation est divergente du premier modèle décrit par le Livre et la Sounna et qui aurait été vécu par les prédécesseurs bienfaisants.
Pour ces considérations, démanteler cette interprétation extrémiste et altérée est tributaire de l’intervention des ouléma et de leur collaboration.
Les interprétations du terrorisme et ses prétentions sont appuyées par l’effort obstiné des groupuscules qui les adoptent, dans un but d’embrigadement. Elle peut rencontrer, dans certains cas, un terreau fertile qui se nourrit d’une vulnérabilité culturelle ou d’une vulnérabilité sociale. Cette vulnérabilité est contrastée par deux arrière-plans. Le premier est imputable à un extrémisme très ancien, celui des kharijites, particulièrement en ce qui concerne sa vision de la légitimité des systèmes de pouvoir selon l’Islam. Le deuxième se manifeste dans un contexte d’évolution doctrinaire au Dix-neuvième siècle après Jésus Christ. Ce qui a été suivi de l’évolution de ces pays concernés depuis la collision avec l’Occident, et tout s’en est suivi, tels les effets de la colonisation, de la deuxième Guerre mondiale, de la guerre froide, de la nakba en Palestine, de l’absence de régimes civils et du soulèvement des mouvements patriotiques, etc.
Et eu égard à ce dont jouissent les ouléma de Votre Royaume, ô mon Seigneur, relativement aux conditions de liberté, de conviction et de rigueur méthodique, sous les auspices de la Commanderie des croyants, ils ont, depuis plus de dix ans, procédé à une analyse minutieuse de la pensée du terrorisme contre laquelle il faudrait s’entraider pour s’en préserver. Ils ont ainsi répertorié ses concepts les plus fréquents, d’après le processus de leur mise en application, en trois dispositifs:
- Le premier dispositif conceptuel est celui employé par le terrorisme dans la remise en question de la vie sociale. Ses concepts sont au nombre de quatre: la jâhiliyyah, la hâkimiyya, le walae et le barae et le takfir;
- Le deuxième dispositif conceptuel est composé de notions utilisées pour tenter de défaire les constantes des pays. Elles sont au nombre de quatre: le salafisme, le désaveu de l’unanimité, la non affiliation à une doctrine et, enfin, ordonner le convenable et réprouver le blâmable;
- Le troisième dispositif englobe les concepts proposant l’alternative prévue, et qui sont trois : le jihad, le califat bien-guidé et la choura.
Comment les Ouléma voient-ils donc les commandements de la Chariâa relativement à ces concepts?
Premièrement: définir la société moderne comme étant une survivance de la jâhiliyyah
Les Ouléma pensent qu’il s’agit d’une assertion nulle et non avenue; car l’Islam vit aujourd’hui une période où, de manière exceptionnelle, les gens attestent de l’unicité d’Allah, qu’il soit exalté, et c’est la condition nécessaire par laquelle l’on distingue l’Islam de ce qui l’a précédé;
Deuxièmement: la hâkimiyyah
Les Ouléma pensent que clamer la devise « Il n’y a de commandement que celui d’Allah » vise à hasarder les gens dans un projet illusoire de pouvoir, dont les gens qui le proclament visent à s’ériger en tuteurs du détenteur légitime, usurpant ainsi et calomniant. Aussi ont-ils excommunié les gouvernants et, à leur suite, les populations qui auraient, selon leurs prétentions, abrogé les législations de la religion;
Troisièmement: le walae et le barae
Les Ouléma voient que les terroristes font usage de ce concept pour justifier les agressions qu’ils perpètrent contre ceux qu’ils accusent de »collaborer » avec les ennemis de l’Islam; c’est-à-dire ceux qui se mettent en situation d’allégeance envers l’ennemi, tout non-musulman. Ils ont donc faussé ce concept et l’on détourné de son sens initial et qui est : la prononciation de l’allégeance à Allah, à Son Messager et aux croyants dans une posture d’amour adorateur, adossé sur la foi en l’Unicité divine, la pureté loyale de son adoration, l’amour du Messager d’Allah et le soutien persévérant de sa Sounna, ainsi que l’amour des croyants. Et c’est là-même le fondement de la paix et de la tolérance en lesquelles la société islamique a foi.
Quant au barae, il consiste en ce que le Musulman abomine l’impiété et qu’il la désavoue. Il n’implique absolument pas que le Musulman haïsse le non-musulman; bien au contraire, notre chariâa nous ordonne de les traiter avec justesse et avec bienveillance.
En résumé, il n’est en aucun cas recevable de fonder les ordonnances du takfir sur le principe du walae et barae; parce que ce serait fonder sur un procès d’intention; ce qui n’est pas licite, du point de vue de la Chariâa.
Quatrièmement: le takfir
Il ne nous est pas parvenu des Compagnons du Messager, qu’Allah appelle sur lui Sa prière et Son salut, ni de la part des Ouléma des Musulmans, parmi les gens de la Sounna et ce, tout au long de l’Histoire, qu’ils auraient osé frapper d’excommunication une personne qui attesta qu’il n’a de dieu qu’Allah et que Mohammad est Son Messager. Ils ont même considéré qu’oser le faire est le pire des actes blâmables entre Musulmans. Le takfir est survenu à la suite d’une compréhension superficielle des textes et de la prédominance de l’ignorance et de l’absence de dévotion.
Cinquièmement: le salafisme
C’est-à-dire tenter de suivre l’exemple des Compagnons et des Successeurs et d’imiter leurs actes.
Où les Ouléma pensent que la qualification de « salafisme » est mobilisée par la pensée extrémiste pour démanteler tous édifices construits par les Musulmans grâce à leurs efforts d’initiatives raisonnées (ijtihad), à leurs inductions et à la structuration de la jurisprudence; et ce sur le mode d’un accaparement indu de la part d’une minorité qui s’adosse à des faits extérieurs. Et ces prétentions sont [déjà, en elles-mêmes] la spoliation du droit de la majorité à adopter l’essence même de la religion;
Sixièmement: le désaveu de l’unanimité comme condition nécessaire à la pertinence des commandements
dont les Ouléma pensent qu’il s’agit d’un principe non valide, parce qu’il s’agit du principe même adopté par les kharijites qui excommuniaient tout Musulman tombé dans un péché, et qui refusaient de s’aligner sur toute personne qui ne partagerait pas leurs croyances.
Septièmement : le non alignement sur une doctrine déterminée en matière de jurisprudence
Selon l’avis des Ouléma, la multiplicité des doctrines sunnites est le fruit d’un effort titanesque d’induction des commandements; et elle est la preuve d’une ouverture d’esprit et d’une adaptation à la diversité, au sein des sociétés musulmanes, et aux cultures du monde ; alors que la pensée du terrorisme tente, en se faisant l’ennemie des doctrines, à créer un vide que les terroristes voudraient combler par leur doctrine pétrifiée.
Huitièmement : ordonner le convenable et réprouver le blâmable
Pour les Ouléma, la communauté des gens de la Sounna, c’est-à-dire leur grande majorité, considère que la mission d’ordonner le convenable et de réprouver le blâmable relève des compétences des détenteurs de la commanderie des Musulmans, dans leurs pays, et qu’il n’est pas admissible qu’elle relève des initiatives individuelles;
Neuvièmement: l’appel à la guerre sainte (jihad)
Les Ouléma décident que l’appel au jihad ne peut être fait à l’encontre d’autres Musulmans; et qu’il ne pourra pas même être levé que pour inciter à la défense; et considérés ses conséquences et ses dangers, il ne peut être accompli que par le détenteur des rênes du pouvoir, dans son pays.
Dixièmement: la succession au Messager dans le commandement (le califat)
Les Ouléma pensent que l’idée des terroristes, à propos de califat, est extrêmement brumeuse et ambigüe, même dans la conception de ses auteurs qui en usent comme d’un slogan attrayant, pour embrigader les partisans. Si la rectitude est la condition d’attribution du commandement, son exécution, déclinée en pratique, exige que l’on en admette la relativité, sous réserve de recourir à l’initiative raisonnée renouvelée ; la pensée terroriste, à propos de ce point précis déforme le sens de certains versets coraniques et fait semblant d’ignorer un nombre de hadiths authentifiés qui traitent de la question de la commanderie des musulmans avec beaucoup de réalisme.
Onzièmement: l’établissement de la choura
Les Ouléma voient que le principe de la consultation (la choura) est bien ancré en Islam. En conséquence, les Musulmans sont dans l’obligation de mettre à profit au maximum les acquis de la démocratie auxquels l’humanité a accédé, à une certaine époque historique et à travers une lutte acharnée entre le juste et l’injuste.
Troisième axe : l’exposé des modalités d’entraide envisageables et vivement recommandées entre le Royaume du Maroc et les pays africains
Ainsi donc, Mon Seigneur, après avoir expliqué le projet de la pensée terroriste, nous en arrivons au troisième axe, et qui consiste en l’exposé des modalités d’entraide envisageables et vivement recommandées entre le Royaume du Maroc et les pays africains, afin de se préserver de celle-ci.
Les considérations exposées dans les deux axes précédents réclament que l’entraide revête des formes de partenariats dans des différents domaines :
Premièrement: le partenariat dans l’expertise institutionnelle et de la législation au niveau social
La réalité vécue montre qu’il n’est plus possible d’adopter une attitude neutre face à la vie religieuse des habitants, que ces derniers soient en situation de majorité ou qu’ils soient des minorités ; parce que la vie se cristallise autour de demandes sociales de nature démocratique. Pour cela, ne pas innover en solutions qui aménagent la réponse à ces demandes laissera le champ libre devant la pensée terroriste pour qu’elle conquière les esprits, et devant des intervenants qui n’ont pas toujours les qualifications nécessaires ni l’innocence requise, et qui exploiteraient à mal les besoins religieux des gens. Le Royaume du Maroc dispose d’une expertise dans l’interaction avec les besoins religieux des gens, en toute concordance avec la préservation des constantes et avec les choix démocratiques ; et ce, à travers une institutionnalisation déterminée par la législation, et à travers une nomenclature statistique et classificatrice des données religieuses territoriales ; y compris la connaissance des intervenants, qu’ils soient des individus, des institutions ou des courants.
L’institutionnalisation, au plus haut niveau, y est donc matérialisée dans le contrôle exercé par une haute instance responsable, qui ne peut accéder au statut d’un ministère, et par la mise en place de mesures qui garantissent les affaires religieuses et leur évitent d’être mêlées aux influences politiques, et leur fluctuation au niveau de la société.
Deuxièmement: l’institutionnalisation formelle de la fatwa
L’institutionnalisation formelle de la fatwa en l’attribuant à des experts œuvrant pour l’ensemble de l’Oumma, et non pas pour telle ou telle tendance; et ce, en en confiant la responsabilité à qui mérite de l’être, scientifiquement et éthiquement, et qui réponde à la condition émise par le Prophète, à savoir la rectitude, c’est-à dire l’objectivité. Cette logique est fondée sur la considération acquise que toutes les mouvances sociales ont besoin des valeurs de la religion.
Troisièmement : le partenariat dans l’expertise de la formation
La religion est une science. Si on ne prépare pas les savants qui doivent la protéger, elle sera ruinée par les catégories de gens contre lesquelles le Messager, qu’Allah appelle sur lui Sa prière et Son salut, nous a mis en garde ; et il a désigné nommément les extrémistes, les fauteurs d’usurpation de la qualité de savants religieux et, puis, les ignorants. La pensée des terroristes réunit toutes ces tares; et à ce propos, si la coopération entre le Royaume du Maroc et les pays d’Afrique existe, il serait possible d’en élargir les horizons dans le domaine de la formation des ou, dans les établissements de l’Université Al Quarawiyine, et au niveau de la formation des imams au sein de l’Institut de Mohammad VI de la formation des imams prédicateurs et prédicatrices.
Quatrièmement : Le partenariat en matière d’équipement
Parce que la vie religieuse a besoin de lieux de culte, tels des mosquées ou d’autres. Toute insuffisance à ce niveau est exploitée par la pensée du terrorisme. Cette question exige aussi une législation qui réglemente la création de ces lieux, leur construction et leur gestion. Et l’expertise désirée est multidimensionnelle: logistique, législative et financière.
Cinquièmement : le partenariat dans le domaine de l’expertise en l’encadrement
Ce qui est entendu par l’encadrement de la vie religieuse est la disponibilité de savants, de prédicateurs, d’orateurs de prêche et d’imams. Nous savons tous que la pensée terroriste tente d’accéder à l’Oumma en s’infiltrant parmi ces cadres. L’expertise dans laquelle pourrait se construire un partenariat ne s’arrête pas seulement à ce qui vient d’être évoqué dans le domaine de la formation; il s’agit préférablement de la détermination précise de ce que doit être un imam ou un prédicateur de l’Oumma, loin de toute affiliation doctrinaire divergente ou d’une quelconque appartenance factionnaire ou politique étroite. L’imam de l’Oumma n’est justement pas un simple expert ou un acteur de prêche, il est avant tout une personne engagée envers l’Oumma, qui la protège de tout trouble (fitna), c’est-à-dire de toute pensée terroriste. Peut-être que la principale condition de son engagement serait qu’il prenne conscience, d’un point de vue jurisconsulte que la mosquée et la chaire lui sont attribués par procuration fiduciaire de la part l’Oumma.
Les tariqas soufies font partie intégrante des institutions traditionnelles dédiées à l’encadrement de la vie religieuse. Et n’était leur immunité, les constantes de l’Oumma auraient été modifiées, et auraient été très facilement infiltrées par l’esprit terroriste. Et il serait recommandé, pour contrer l’esprit terroriste, que ces tariqas continuent à remplir.
La coopération pour un enseignement religieux construit sur les choix de la majorité de l’Oumma quant aux constantes, suppose que l’on dédie des bourses d’études à des personnes habilitées à l’encadrement dans le cercle défini des constantes de leurs pays respectifs, tout en étant imprégnées, en même temps, des valeurs universelles.
Sixièmement : le partenariat dans l’expertise de gestion
Gérer la vie religieuse est basé sur les mêmes règles de gestion sociale et sociétale. Car, il répond également à la loi de la rationalisation, de l’ordre, de l’intégration et de la cohérence. Pour cela, il est nécessaire de recourir à des dispositifs de mise à disposition, de communication et d’accompagnement. Le Royaume du Maroc possède une expertise dans ce domaine, et que l’on pourrait adapter aux cas spécifiques des pays Africains.
Septièmement : la coopération dans l’encadrement des autres piliers de la religion
Et ce, parce que l’un des aspects impératifs est l’encadrement des adorations autres que la çalât (prière), comme le pèlerinage, le calendrier lunaire et la célébration des manifestations et anniversaires religieux.
Huitièmement : le partenariat dans l’expertise de l’enseignement religieux (l’enseignement du Noble Coran)
Il est impératif d’encourager la disponibilité de ce service, de l’améliorer et de le contrôler dans l’intérêt de l’Oumma. Car la pensée terroriste détourne l’apprentissage du Coran, et l’enseignement religieux en général, par la fondation d’écoles où ses principes sont dispensés. L’enseignement traditionnel au Royaume du Maroc est estimé pour son excellence au niveau mondial, parce qu’il ne laisse aucune place à la propagande terroriste, qui critique l’absence d’enseignement coranique dans les écoles publiques des autres pays. A ce propos, l’on n’oubliera pas d’ajouter, ô Commandeur des croyants, que la réforme de l’enseignement religieux dans les écoles publiques marocaines que Vous avez ordonnée pourrait, si les pays d’Afrique devaient s’en inspirer, faciliter l’accès des apprenants à la sémantique universelle issue du fond même du Texte religieux; afin qu’ils ne voient pas en la religion une science divergente des connaissances humaines, ou qui leur serait opposée. Car, un tel sentiment pourrait amener les jeunes à rechercher leurs valeurs dans toute pensée non religieuse, ou qui les conduiraient à tomber dans les rets de l’esprit terroriste et ses tentations trompeuses. D’où la nécessité de l’intégration des arguments des oulémas concernant la dénonciation des impostures et des ambigüités des terroristes, par le moyen desquelles ces derniers recrutent le commun des gens, aux sujets des programmes scolaires
La coopération pour un enseignement religieux construit sur les choix de la majorité de l’Oumma quant aux constantes, suppose que l’on dédie des bourses d’études à des personnes habilitées à l’encadrement dans le cercle défini des constantes de leurs pays respectifs, tout en étant imprégnées, en même temps, des valeurs universelles.
Neuvièmement: le partenariat dans l’expertise de la transmission (at-tabligh) [de la religion]
et qui exige l’innovation de styles organisationnels convenant à chaque pays, afin d’empêcher le chaos et la permissivité quant à l’autorisation donnée à la création de centres religieux qui ont pour but de diffuser des idées s’opposant aux constantes de l’Oumma; particulièrement quand ces centres sont gérés ou financés de l’extérieur. Il est nécessaire donc de surveiller ces centres, par la force de la loi et dans le cadre des libertés garanties par chaque pays à part. Il en est de même pour les prédicateurs à travers les réseaux sociaux, pour lesquels [la surveillance] dépend de la vigilance des consommateurs vis-à-vis de ce qu’ils reçoivent; car la Sounna impose à l’homme pieux de choisir de qui il peut prendre sa religion.
Dixièmement : le partenariat dans l’expertise du financement
La satisfaction des obligations de la vie religieuse dépend du financement. L’entraide demandée, dans ce cas, selon la situation dans chaque pays, sera d’innover les modes d’autofinancement afin d’éviter le financement étranger s’il devait être suspecté de tenter de contrer les constantes du pays. Le partenariat ici pourrait aussi revêtir l’aspect d’une expertise centrée sur la structuration de l’institution du legs pieux (habous), sur la réglementation de la bienfaisance publique et sur la professionnalisation du métier d’imam ; comme c’est déjà le cas dans l’Institut Mohammad VI de la formation des imams prédicateurs et prédicatrices au bénéfice des étudiants africains.
Onzièmement: le partenariat dans l’expertise des médias
L’information a un rôle fondamental pour se protéger de la pensée du terrorisme. Elle peut, dans les pays Africains, mettre à profit le modèle marocain de cohabitation pacifique entre les religions et les tribus, et d’ancrage de la culture de la paix au plus profond de la conscience des peuples, à travers des techniques et des programmes médiatisés. La chaîne Mohammed VI pour le Noble Coran, Ô Mon Seigneur, représente un modèle exemplaire dans ce domaine, à témoin la grande part d’audition qu’elle a pu s’assurer dans les pays Africains; et elle s’apprête à accompagner les activités de la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains. Tout service médiatique destiné à faire connaitre le capital des valeurs et de modération dans les constantes est un service rendu au développement dans les milieux musulmans, au sein des pays africains.
Conclusion
Et pour conclure, ô Mon Seigneur, il appert de ce que nous avons exposé que se protéger de la pensée du terrorisme peut se réaliser si l’on veille à trois questions: la préservation des constantes, garantes de la modération, puis l’explication scientifique des prétentions du discours terroriste, en en montrant la vanité d’un point de vue jurisconsulte, et enfin le plaidoyer qui montre les aspects de la collaboration centrée sur des questions de gestion dont dépend la pratique religieuse. Les fruits attendus de cette coopération sont de nature éducative, sécuritaire et promotionnelle; eu égard à son impact sur l’ensemble de la société; elle sera complétée par la prise en charge de toutes les formes de précarité exploitées par le terrorisme. Sans nul doute, la réussite de cette entraide est tributaire, jusqu’à un certain point, du processus des valeurs au niveau mondial; c’est-à-dire des dangers de toute déviation politique qui pourrait renforcer l’extrémisme. Il est espéré de Vos initiatives, ô Mon Seigneur, dans le champ de la coopération avec l’Afrique, à l’instar du renforcement des relations avec les tariqas soufies, de la formation des imams et du développement des activités de la Fondation Mohammed VI des Ouléma Africains. Il est espéré donc la réalisation de résultats au niveau du diagnostic et de la prise de conscience, et qu’elles renforcent l’immunité intellectuelle nécessaire aux nations. Car, si cette immunité est consolidée, la pensée terroriste apparaîtra comme un simple virus contre lequel le corps peut lutter, en se maintenant en pleine forme et en bonne santé.
Fasse Allah, ô Mon Seigneur, que jamais ne cessent Vos initiatives en toutes bonnes œuvres; qu’Il fasse toujours de Vous le Protecteur de toutes choses sacrées, et qu’Il Vous accorde de demeurer le Pionnier de l’entraide pour les bonnes œuvres et la piété, dans ce que vous avez entrepris avec Vos frères des pays d’Afrique; une entraide pour la préservation des affaires de la Religion dont Vous n’attendez que l’agrément d’Allah, et dont Vous ne voulez «ni récompense ni gratitude».
Et grâces soient rendues à Allah, Seigneur de tous les Mondes.
Hassan Azzouzi Professeur d’enseignement supérieur, Président du conseil local des Ouléma de la province de Zouagha Moulay Yaacoub et membre du conseil supérieur de la Fondation MOHAMMED VI des Ouléma Africains.
[1] Conférence religieuse Hassanienne prononcée en présence d’Amir Al-Mouminine Sa Majesté le Roi MOHAMMED VI, qu’Allah le glorifie et l’assiste, le 26 Ramadan 1439 de l’Hégire (11/06/2018).